"Le vin nat'' qu'on appelle aussi "vin vivant" ou "vin libre" fait beaucoup de bruit mais de quoi s'agit-t'il vraiment ?
Dans cet article je vais vous parler des différentes définitions du vin naturel et de l'histoire qui explique comment, un jour, le raisin a rencontré l'industrialisation et la chimie. Les labels utilisés y seront mis en lumière et pour terminer je vous ferai part de ma propre expérience : comment et pourquoi je suis allée tout naturellement vers ces vins.
Le vin naturel Kézako ?
En 2021, on prône le bio, le vrai, le naturel, c'est tentant pour beaucoup de vignerons de proclamer leur vin comme tel mais attention il y a naturel et naturel !
Le vin est le produit exclusif de la fermentation du raisin frais ou du jus de raisin frais.
C'est la loi Griffe de 1889. Elle pourrait être la définition du vin naturel mais en réalité c'est un peu plus complexe, il existe différentes versions. Certains vins dit naturels sont élaborés avec des interventions peut être non chimiques mais pouvant être brusques et dénaturer le vin : ajout de levures sélectionnées, osmose inverse, bentonite, etc. Sans parler des traitements utilisés en amont dans les vignes, ces vins sont loin d'être sains, exempt de tout produit de synthèse et respectueux de la nature. Petite astuce pour les reconnaître : ces vignerons "en naturel" n'ont souvent qu'une seule cuvée dite "nature".
Dans l'esprit Le vin fantôme seulement deux versions sont à retenir :
- Le vin naturel, c'est une philosophie ! Ça commence dans les vignes où les interventions peuvent être nombreuses mais toujours d'origine naturelle (tisanes, purins, décoctions, etc.) pour renforcer les défenses des vignes et l'équilibre des sols. Si le cuivre (la bouillie bordelaise) et le soufre sont utilisés dans les vignes, c'est à toute petite dose. Et l'on s'autorise à peine une pointe de soufre (SO2) au moment des vendanges ou à la mise en bouteille.
- Pour les puristes, le vin naturel est tout simplement du jus de raisin fermenté sans aucun produits chimiques dans la vigne ainsi que dans le chai de vinification, donc zéro soufre ajouté. La main de l'homme y est tout de même pour quelque chose, mais avec le moins d'intervention possible. Ici la loi Griffe est appliquée à la lettre.
Toutefois, les seuls vignerons à ma connaissance, utilisant ni cuivre, ni soufre contre le mildiou dans les vignes, sont extrêmement rares et sont d'accords pour dire que la situation des vignes joue. Par exemple, Romuald Valot (en Beaujolais), croisé dernièrement au salon de La Gouleyance, m'explique que ses vignes n'ont pas besoin de traitement de ce type car en hauteur, elles sont moins exposées à l'humidité dont la maladie raffole. De plus, la forêt, encerclant les vignes, permet de meilleures défenses naturelles grâce à une biodiversité au top !
Un peu d'histoire
Le vin naturel existe depuis la nuit des temps, que s'est-t'il passé pour que l'on arrive à tant de transformations dans l'élaboration de notre breuvage préféré ?
On a commencé la chimie dans les vignes suite à la propagation de terribles maladies, les trois plus connues sont : en 1846, un champignon, l'oïdium a détruit les récoltes, en 1863 un insecte : le phylloxéra, puis en 1878, un autre champignon, le mildiou, tous les trois venus des États-Unis.
Une propagation qui a été favorisée par l'appauvrissement de la biodiversité dû à la monoculture qui s'installe dès 1830 pour baisser les coûts de production. Pour la combattre, on utilise le soufre contre l'oïdium, le greffage du plant de vigne contre le phylloxera, et la bouillie Bordelaise contre le mildiou.
Avec le boom industriel, on assiste à une mécanisation de la viticulture associée à la généralisation de l'utilisation des produits chimiques dans la vigne et dans le chai. Tout cela représente la culture conventionnelle.
C'est le début de la fin : les études pour devenir vigneron sont axées uniquement vers cette culture conventionnelle, qui est donc loin d'être naturelle. Les vignerons en devenir sont formés à utiliser des produits chimiques dans le vignoble. les vignes deviennent dépendantes des traitements de synthèse, leurs défenses naturelles réduites à néant, les sols s'appauvrissent, on parle même de paysages lunaires dans les vignobles.
Vous l’aurez compris, la chimie et la mécanisation sont bien ancrées dans nos vignobles, il est temps de faire machine arrière !
Les labels certifiants pour les vins naturels
Un retour aux racines s'impose donc et certains vignerons choisissent d'aller dans ce sens. C'est ainsi que l'on a vu apparaître des labels qui répondent à des cahiers des charges plus ou moins stricts, il n'est cependant pas toujours évident de savoir ce qui se cache derrière.
Tous ces labels sont très récents bien que la philosophie de certains d'entre eux soit très ancienne. Par exemple, Demeter (label en biodynamie) a vu le jour en 1998 alors que le premier ouvrage sur la biodynamie, écrit par le philosophe et scientifique Rudolf Steiner, a été édité en 1924 pour nos chers agriculteurs !
On constate ci-dessous que la liste de produits ajoutés dans le vin peut être longue selon les labels, c'est inquiétant lorsque l'on pense que certains vins ne passeraient pas le test de l'eau potable !!!!
On remarque qu’il peut y avoir une grande différence entre deux considérés comme « bio » ou « naturel ». Pour ma part, ceux qui sont réellement considérés comme « naturel » sont :
- S.A.I.N.S (Sans Aucun Intrant Ni Sulfite), utilise la définition du vin naturel de façon puriste.
- AVN (Association Des Vins Naturels) et un label très récent (2019), Vin méthode nature, utilisent la définition avec une pointe de soufre autorisé uniquement à la mise en bouteille.
- Demeter, ou Biodyvin des labels en biodynamie. Certains ne les considèrent pas totalement comme naturel en raison d'ajout d'intrants plus important. De mon expérience, c'est un label très fiable, juste après les AVN, SAINS et Vin méthode nature.
Pour autant, même si je ne considèrerais pas Ecocert comme garant des vins naturels, car moins restrictif sur les intrants autorisés, j'ai en ma connaissance des vignerons labellisés qui produisent des vins on ne peut plus naturels.
Aussi, ne pas avoir de label, ne signifie pas ne pas être naturel, et c’est souvent le cas :
Nous sommes vignerons, paysans, nous passons nos journées dans les vignes et dans le chai, pas le temps de faire toute cette paperasse !
Proclament la plupart des vignerons en naturel qui n'adhèrent à aucun label certifiant. Auxquelles d’autres répondent :
Donnons l'exemple et offrons au consommateur la transparence en étant claires sur nos méthodes !
Au final, c'est une question de point de vue, à chacun ses raisons et sa vocation, je comprends que ce soit le combat de certains et pas d'autres. Le tout est de savoir ce que l'on boit, mais alors comment faire ?
Allez à la rencontre des vignerons, ou faîtes confiance à ceux dont c’est le métier : les cavistes et autres wine lovers qui sont les meilleurs porte-parole de ce qui se passe dans le vignoble.
Mon expérience du vin naturel
Pour expliquer mon point de vue, il faut faire un retour en arrière, c'est dans mon enfance que tout débuta. Mon éducation joue un rôle crucial dans cette histoire, par exemple les mots de ma maman pendant les balades en forêt ou à table sur l'importance de la conscience de tout ce qui nous entoure, les mots de madame Roussel, institutrice en primaire au sujet de la déforestation dans le monde ou bien les mots de mon professeur de physique/chimie, au collège, au sujet de l'eau et de son gaspillage, et bien d'autres mots encore.
Autant de graines semées que de principes consolidés mettant en prime abord le respect de la planète et notre bien être à tous dans cet habitat. Lorsqu'on a ce genre d'idéal, on se rend compte que chaque décision dans une journée peut nous guider vers son contraire. Alors on apprend pas à pas à faire les bons choix chacun à son échelle. On commence en fermant le robinet quand on se brosse les dents, on continue en mettant de l'importance à ce que l'on mange : on se dirige vers des produits de qualité provenant de petits producteurs locaux, on remplace les emballages par du vrac, etc. Cependant on continue de boire du vin sans se poser de question.
La première fois que j'ai goûté un vin naturel, c'était pendant mes études de sommelier, et je dois dire que je n'ai pas été très emballée. Je me suis dit :
"Qu'est-ce que ce vin qui sent la ferme, qui pétille et qui me donne envie d'aller aux toilettes ??"
Mais comme si mon palais avait besoin d'être éduqué, la seconde fois fût plus douce et la troisième fois me convainquit de me pencher davantage vers ce que je considérais comme un ovni : "le vin nat". Aujourd'hui c'est ce que je bois majoritairement mais j'essaie de garder les yeux ouverts sur le reste. Je garde en tête que le vin naturel ne représente que 1 à 2% des vins achetés en France.
Je dois dire qu'au début c'est parti d'une question éthique, les producteurs de vin naturel ont une vision du monde qui me parle ! Et rapidement c'est devenu aussi une question de goût. Il m'est de plus en plus difficile d'apprécier un vin trop transformé, je deviens plus sensible aux méfaits des vins trop soufrés (mal de tête) par exemple. Alors que j'aime tant le côté digeste et vibrant des vins naturels, "gloulglou" (facile à boire dans le jargon) ou plus complexes, ces vins ont, la plupart du temps, une énergie folle que je ne retrouve que rarement dans les vins conventionnels, ce n'est pas pour rien qu'on les appelle les vins vivants !!
Si vous vous posez ce genre de question : Pourquoi mon vin pétille ou sent une odeur différente ? Les vins naturels peuvent-ils se conserver dans le temps ? Je serais ravie de vous en dire plus lors d’un prochain cours ludique et gustatif ! Je me déplace dans le Pays Basque.
Sources : Isabelle Legeron dans son ouvrage Le Vin nature ainsi que les cahiers des charges de S.A.I.N.S ; AVN ; Demeter et Vin Méthode Nature.